Dès l’enfance, j’ai eu l’impression d’être comme un prophète dans le désert…
Désert d’eau, si sec
Désert de terre où rien ne pousse
Déserté de toute vie en société. Pas ou si peu de relation avec mes semblables.
J’ai poussé dans un château de sable aux multiples grains glissants sous mes pas dont les traces disparaissent sous les à-coups du vent. Vent qui me griffait la peau par ses harpons acérés lancés par une force invisible, quand venu de l’Est. Du Nord, il me transperçait avec ses multiples facettes de glace. De l’Ouest, si rare et chargé de pluie, cinglante et trop abondante. Venu du Sud, je subissais sans l’aimer la moiteur qui suit la transpiration.
Finalement, d’où qu’il vienne, le vent me tenait la peau et je m’accrochais à lui tout autant qu’il fuyait toujours plus.
Par ses forces contradictoires et les hasards de la vie, je me suis retrouvé emporté par le flux migratoire jusqu’à la grande ville du bord de mer, noyé dans la masse humaine en quête d’une manne qui ne s’offre pas chaque jour, à la recherche d’un havre de paix dans un monde nomade en perpétuelle mutation.
Je me suis frotté à d’autres univers tout aussi rugueux, croisant toute sorte de gens…
Parmi eux, un homme étrange m’a reconnu. Sans vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, une fleur de cactus il m’a tatoué.
Ainsi sur ma peau, j’ai – là, tout près du cœur – un cactus tatoué.
L’endroit est secret. Je suis seul à pouvoir le voir.
Quand je le touche, je sens une grande force me traverser. Alors nul ne peut m’approcher. Par le seul pouvoir des mots, je repousse tout danger. Et l’agresseur s’en retourne de peur d’être piqué à vif.
Cette plante, dessinée sur ma peau s’enracine au plus profond de mon être. Antidote aux moments de faiblesse submergé d’incomplétude, sa présence immuable dressée vers le ciel me rassure.
Tel un prophète dans le désert, sa silhouette me ramène sur la terre lointaine où j’ai vu le jour !

Françoise Berthéas