Si ce jour-là, au lieu de grimper dans l’hélicoptère, je
m’étais embarqué avec mes cantines dans l’avion de Sydney, si
du haut de son décollage vertical, avant qu’il ne s’élançât en
rugissant vers les terres chaudes, j’avais dit adieu pour
toujours à la base, à la glace, au monstrueux continent froid,
que serait-il advenu ?
Qui aurait été près de toi, ma bien-aimée, au moment
terrible ? Qui aurait vu à ma place ? Qui aurait su ?
Celui-là aurait-il crié, hurlé le nom ? Moi, je n’ai rien dit.
Rien…
Et tout s’est accompli…
Depuis, je me répète qu’il était trop tard, que si j’avais crié,
cela n’aurait rien changé, que j’aurais simplement été accablé
sous le poids d’un désespoir inexpiable. Pendant ces quelques
secondes, il n’y aurait pas eu assez d’horreur dans le monde
pour emplir ton cœur.
C’est cela que je me redis sans cesse, depuis ce jour, depuis
cette heure : « Trop tard… trop tard… trop tard… »
Mais peut-être est-ce un mensonge que je mâche et
remâche, dont j’essaie de me nourrir pour tenter de vivre…